Ce mercredi 8 avril, le directeur du Festival d’Avignon Olivier Py faisait part de son inquiétude quant à la tenue du Festival cet été. Malgré tout, l’espoir règne.
Parmi les nouvelles formes qu’engendre la contrainte du confinement, est apparue hier sur le site du Festival et sur sa page Facebook, une expérience inédite : la conférence de presse virtuelle d’un Festival dont on ne sait s’il pourra se tenir.
Le sort de la 74e édition du festival d’Avignon n’est pas encore scellé. Une chose est sûre : sa « faisabilité est compromise » pour reprendre le vocable d’Olivier Py.
Si le festival n’avait pas lieu, les conséquences seraient catastrophiques pour le festival lui-même (qui vit à 50% de ses recettes et pourrait ne pas s’en remettre), pour les compagnies qui pourraient ne pas survivre à cette annulation, pour les artistes et les techniciens bien sûr, pour les théâtres (qui accumulent les fermetures), mais aussi pour la Ville et pour la Région.
Dans ce contexte, la conférence de presse virtuelle qui annonçait la programmation tout aussi virtuelle du Festival — suspendue aux décisions des autorités sanitaires — aurait pu prendre un tour assez désespéré. Il n’en fut rien.
Hier, donc, à 14 heures, trompettes et cigales ouvraient une séquence étonnante. Et l’exercice, en dépit ou peut-être même grâce à ces contraintes, s’est mué en manifeste. C’est l’utopie du Festival qui était donnée à voir, et plus largement celle du Théâtre.
« Vous dire ce jour et à cette heure comment se présentera exactement la 74e édition est difficile,
mais il nous paraît important de vous raconter celle que nous avons rêvée »,
a annoncé Olivier Py.
A priori un directeur devant sa webcam et une succession de vidéos d’artistes confinés présentant des spectacles qui n’auront peut-être pas lieu, n’a rien d’excitant. Pourtant, au fil de ce live une réponse en filigrane à la question « que peut le théâtre ? » et que peut-il plus que jamais aujourd’hui s’est imposée.
Avant même que l’épidémie de coronavirus n’envahisse le monde, le thème de cette 74e édition avait été donné : Eros et Thanatos. Couple mythologique de l’amour et de la mort. Comment aime-t-on et désire-t-on aujourd’hui ? Quel est notre rapport à la mort ? Et comment vivons-nous à notre époque cette tension entre ces deux pôles indissociables ? Des questions qui se télescopent soudain avec une vertigineuse acuité tandis que l’humanité traverse une épreuve historique.
Alors au fil des vidéos le programme s’est imposé comme une utopie nécessaire. Le metteur en scène Ivo Von Hove parlant de son spectacle sur le jeune Freud et sa détermination à comprendre autrement la nature humaine ; la compagnie Siamese évoquant ces chants du nord de la Grèce qui permettent de surmonter les tragédies ; le Raoul Collectif racontant cette « Cérémonie » où des participants assistent sans le comprendre à un rituel qui enterre un ancien système ; Penthésilée… Des dilemmes moraux sur la bonté et la miséricorde ; un joueur de flûte dératiseur ; la langue du poète Valère Novarina tentant de soigner le monde avec des mots plus sensibles que sensés ; ou encore l’inconscient des groupes et leurs pulsions : tout semble pouvoir donner forme à ce que nous sentons et affrontons ensemble avec cette crise.
A la fin de la conférence virtuelle, la démonstration était faite (par l’absolu et par l’absence potentielle) de ce que peut pour nous le théâtre.
d’après Mathilde Serrell