Penthésilé.e.s/Amazonomachie est un spectacle du Festival d’Avignon 2021, il est classé « indiscipline » car il mêle le théâtre, la danse, la musique/le chant et la vidéo, il est écrit par Marie Dilasser, sur une commande de Laetitia Guédon.
Pour cette mise en scène, Laetitia Guédon n’a pas usiné une pièce supplémentaire qui viendrait s’emboîter ou compléter un peu plus le système dans lequel on a jusque-là enfermé Kleist, mais une pièce qui offre la possibilité de nouveaux jeux, de nouveaux agencements, de nouvelles bifurcations ou connexions. J’en donnerai quelques exemples.
Penthésilé.e.s est plurielle — L. Guédon en témoigne par l’écriture inclusive du prénom de l’Amazone, et également par l’interprétation de son personnage : tantôt guerrière insatiable de violence et mots, tantôt corps métamorphosé mi-femme mi-homme mi-animal, tantôt demi-déesse au langage vocal insondable soutenue par le chœur… Dans cette pièce, elle est représentée par trois comédien-e-s. D’abord, Marie-Pascale Dubé qui va s’opposer à Achille et mourir à la fin du combat : Marie-Pascale est inspirée, par le katajjaq, le chant de gorge inuit, dont elle conserve une approche résolument moderne. Puis, Lorry Hardel très proche de la Penthésilée que nous nous sommes représentée jusqu’à ce jour. Enfin, Seydou Boro qui, pour nous, se rapproche le plus de la créature de Kleist quand il écrit :
“ (…) J’y ai mis tout le fond de mon être (…), à la fois toute la souillure
et tout l’éclat de mon âme ” (Dresde, fin de l’automne 1807).
Tout au long du spectacle nous sommes dans un antre-deux (a-n-t-r-e j’ai bien dit !), entre vie et mort et la mort est là, toute proche, fascinante. Derrière cet épais rideau, le drame surgit et les choses bougent, elles entrent (e-n-t-r-e) dans le champ de la conscience, lentement. C’est lentement aussi que les trois personnages évoluent sur le plateau où se joue : Penthésilé-e-s. Penthésilée se déplie, se dé-multiplie, elle sera “ trois ” (Trinité ?) dans une danse — d’un pas à pas du cheval (Seydou Boro) qui va l’amble et qui pour moi fait apparaître Kleist.
Scéniquement, l’espace de Penthésilé.e.s/Amazonomachie se structure autour d’une réinterprétation du hammam. Cet espace à la fois précieux et tellurique est un lieu dont sont exclus les hommes, répondant à l’organisation sociale des mythiques Amazones.
Vocalement, le choeur de femmes est très percutant dans sa troisième et dernière partie en forme « d’oratorio pour les temps nouveaux ». Les chants sacrés sont empruntés notamment à Mozart et Haendel interprétés par Sonia Bonny, Juliette Boudet, Mathilde de Carné et Lucile Pouthier.
Michèle Jung
Avignon, 22 juillet 2021