… du Festival d’Avignon 2013, en présence de Dieudonné Niangouna, Stanislas Nordey, Hortense Archambault et Vincent Baudriller.
… du Festival d’Avignon 2013, en présence de Dieudonné Niangouna, Stanislas Nordey, Hortense Archambault et Vincent Baudriller.
… le porte-feuille à droite.
Ein Volksfeind d’Henrik Ibsen, mis en scène par Thomas Ostermeier, est créé le 18 juillet 2012 au Festival d’Avignon.
Dans cette pièce d’Henrik Ibsen, Stockmann (Stefan Stern) découvre que les eaux des thermes, qui font la richesse de la petite station où il est médecin, sont polluées. Il souhaite qu’un journal publie ses informations, et demande aux élus de prendre leurs responsabilités. C’était oublier que son frère, maire du village, ne l’entendra pas ainsi. Une lutte fratricide s’attise et s’enflamme, pour prendre un tour politique.
En 1883, le dramaturge norvégien offre à son héros — le docteur Stockmann — une ultime planche de salut, à savoir défendre son point de vue en organisant une réunion publique. Reprenant au bond la balle lancée par Ibsen, Thomas Ostermeier choisit le moment crucial de cette prise de parole publique, pour rallumer la salle de l’Opéra-Théâtre d’Avignon et lancer un débat avec les spectateurs. Un débat sur cette démocratie qui, en l’occurrence, s’oppose à un homme s’efforçant de faire entendre une vérité au mépris des intérêts économiques de ceux qui ont pignon sur rue dans sa ville. Les acteurs — descendus dans la salle — se font avocats du diable et défendent les principes d’une démocratie protégeant la croissance pour le bénéfice du plus grand nombre. Les spectateurs s’emparent des micros qu’on leur tend pour les contredire calmement, mais vertement, et prendre le parti de Stockmann. En coulisses, le metteur en scène, (directeur artistique de la Schaubühne à Berlin, nous le rappelons) « contrôle » ces prises de parole. C’est lui qui donne le signal de la fin des débats, celui aussi de la reprise du cours de la pièce et ce avec une maîtrise parfaite, relayée par une équipe artistique exceptionnelle.
Quelle place pour la vérité et la justice dans une société soumise à l’économie et à la finance ?,
telle est la question totalement réactualisée qu’Ostermeier fait surgir de cette pièce écrite en 1882.
Tout est habilement maîtrisé pour arriver à ce résultat. Thomas Ostermeier a remanié l’œuvre, l’a étoffée de « L’Insurrection qui vient », texte projeté sur le rideau de scène avant d’être proféré par Stockmann. La mise en scène est également remarquable : on oscille entre réunion entre intellos de gauche, et répétitions d’un groupe de rock qui a le bon goût de reprendre « Changes » de David Bowie.
Ibsen désigne son héros comme bouc-émissaire et le transforme en ennemi du peuple… l’occasion pour Ostermeier de choisir de le lapider sous une pluie de bombes de peintures multicolores : comme dans la réalité, on coupe court à la discussion par la force. Au final, c’est toute une salle debout qui applaudit et ovationne la troupe et le metteur en scène. Un succès unanime qui peut aussi s’entendre comme l’expression d’une satisfaction des spectateurs d’avoir pu participer à la dénonciation du manque de démocratie directe qui mine nos sociétés européennes.
Si Ibsen termine sa pièce en parant jusqu’au bout d’une intransigeance aveugle son incorruptible Stockmann – son double sans doute, lui qui choisit longtemps l’exil en Italie plutôt que de rester dans une Norvège corrompue —, le patron de la Schaubühne choisit de le montrer dubitatif : Stockmann se laissera-t-il séduire par la proposition de son beau-père de reprendre lui-même les thermes ?
Ornella, Avignon 2012
♥ Avis aux lyonnais : ce spectacle sera repris du 29 janvier au 2 février 2013 au Théâtre National Populaire de Villeurbanne.
… auch im Nebel»
Vaclav Havel, décédé le 18 décembre dernier, a vécu les années staliniennes, l’invasion d’août 1968 qui mit fin au Printemps de Prague, puis les vingt ans du régime de Gustáv Husák… Aujourd’hui, j’aimerais rendre hommage à l’écrivain dramaturge, à l’amateur de peinture, de littérature, de jazz et de cinéma que j’ai pu « fréquenter » au cours de différentes manifestations, à Paris ou en Avignon.
Pour mémoire,
au lendemain de l’intervention des forces du pacte de Varsovie, en août 1968, Vaclav Havel, qui a joué un rôle important au sein de l’Union des écrivains tchèques — un des moteurs du « Printemps de Prague » — est privé de théâtre : ses premières pièces, dans un style caustique proche de Kafka, suscitent une certaine irritation dans les milieux politiques…,
il est arrêté à Prague dans la nuit du 29 mai 1979 avec 10 autres signataires de la Charte 77, sous l’inculpation de subversion contre la République. Paul Puaux écrit une lettre au gouvernement tchécoslovaque, pour qu’il puisse assister à la première des deux pièces créées par Stephan Meldegg pour le XXXIIIe Festival d’Avignon. Mais c’est sans lui que nous verrons : Audience (1975) et Vernissage (1975), salle Benoît XII, avec Pierre Arditi, Victor Garrivier, Bernard Murat et Catherine Rich ; sans lui que nous participerons à la « Rencontre du Verger d’Urbain V », rencontre de l’équipe artistique avec le public avignonnais, le 4 août 1979. Cette année-là encore, Beckett écrit Catastrophe et lui dédie cette pièce ; on se souvient aussi des soirées de soutien à La Cartoucherie… Le 23 octobre, une « délégation » formée de Patrice Chéreau, du mathématicien Jean Dieudonné, du sculpteur Chalier et du philosophe Jean-Pierre Faye se présentent au palais de Justice de Prague en vue d’être les témoins du procès de Vaclav Havel. L’entrée leur est refusée, ils sont arrêtés…,
le 21 juillet 1982, une nuit d’hommage lui est consacrée au Festival d’Avignon. Elle est organisée par l’A.I.D.A., et s’intitule : « Vaneck, à la recherche de son auteur ». Ferdinand Vaneck est un personnage autobiographique créé par Vaclav Havel. On le retrouve dans trois de ses pièces en 1 acte, Audience, Vernissage et Pétition. Cette nuit-là, l’A.I.D.A. invite les artistes du monde entier à faire vivre, eux aussi, le personnage Ferdinand Vaneck qui erre seul au monde, et à lutter ainsi pour la libération de son auteur : Vaclav Havel, emprisonné pour 4 ans et demi, est interdit d’écriture…
il est à nouveau arrêté, un bouquet de fleurs à la main, le 16 janvier 1989, sur la place Venceslas, lors de la manifestation commémorant le 20e anniversaire du suicide de Jan Palach, et condamné à 9 mois de prison le 22 février pour incitation au désordre et obstruction à l’ordre public. En France, le 21 mars, une manifestation est organisée devant le théâtre de Chaillot pour réclamer sa libération ; un gala de solidarité est donné au Théâtre de l’Atelier le 24 avril ; et Daniel Gélin se lance avec Pétition (que nous verrons sur FR3, un vendredi soir d’avril 1989, à 20H50 dans une réalisation de Jean-Louis Comolli)…,
lors du festival 2002, Jan Burian met en scène Vernissage. La pièce, en tchèque, est donnée dans la Salle Flanchet du Lycée St Joseph, dans un décor de Karel Glogr ; une exposition est installée Rue de Mons ; deux films sont projetés à Utopia ; Marcel Bozonnet lit La grande roue dans les jardins de la rue de Mons ; une rencontre animée par Josyane Savigneau est prévue avec Vaclav Havel le 17 juillet, il ne pourra y être, et le soir même, au Verger d’Urbain V, une nuit exceptionnelle est organisée par son épouse Olga Spichalova, par Élie Wiesel, Victor Haïm, Andrée Chedid et Arthur Miller. C’est le chanteur tchèque Charlie Soukup qui ouvre cette soirée.
Le pari de Vaclav Havel — sous ses habits présidentiels — fut de réconcilier, dans la tradition tchèque, culture et politique. Cette réconciliation il l’a exprimée sur le plan du langage : il a construit chacun de ses discours comme des petites pièces émaillées de citations et de considérations philosophiques, rythmées par des effets théâtraux. « Quand Havel parle, il apporte la culture et la poésie » disait de lui la sociologue Helena Jarosava.
Mais, je vous le disais, je n’ai raconté que… ce à quoi j’ai pu assister.
Ornella, Avignon, janvier 2012
Le lundi 9 juillet 2012, Pierre Arditi et Stéphan Meldegg ont lu « Audience » dans les Jardins de la Maison Jean Vilar.