Der Ausstand an sagen können…

Séminaire 2015

Wir hatten gedacht, dass das Leben Freud’s in zwei Welten — der slavischen und danach der österreichischen —, mehr Klarheit in unsere Forschungen bringen könnte. Aber, im Laufe des Seminars 2014, ist uns bewusst geworden, daß die Sprache seiner Eltern — hebraïschen und jiddisches gemischt : die Gaunersprache — eine verborgene Funktion seiner Traumsprache sein konnte. Freud sagt wortgetreu, daß “Traumgedanken und Trauminhalt liegen vor uns wie zwei Darstellungen desselben Inhaltes in zwei verschiedenen Sprachen (…)” In : Die Traumdeutung. Fischer Taschenbuch Verlag, 1998 : Seite 284”.

Wir haben nicht eine Sprache durch eine andere erklären, sondern die eine durch die Austrahlung der anderen bereichern wollen. Wir haben die Leere behandeln wollen, den Zwischenraum in der Schwebe zwischen diesen Sprachen. “Der Ausstand an sagen können”, nähmich : die Aussicht auf das, was zu sagen bleibt.

Dieser tiefe Riss — in dem Abgrund der Sprache — diese stumme Tiefe in ihrem Sinn — dieser Raum, der zwischen den Strukturen der Sprachen sichtbar wird : das Hebraïsche, das Tschechische, das Deutsche werden uns erlauben, die Verbindung zwischen der « Oberfläche » und der « Tiefe » herzustellen (Husserl).

In diesem Sinn werden wir, in 2015, diese Arbeit auf zwei Träumen fortsetzen. “Die botanische Monographie”. (In : Die Traumdeutung. Fischer Taschenbuch Verlag, 1998 : pages 180, 181-188, 191 note 4, 201, 288-291, 309, 461). Mehrmals wiederholt Freud, daß er den Sinn des Traums der botanischen Monographie — « obwohl gründlich analysiert » — nicht aufzeigen kann, weil er in engem Verhältnis mit einem Erlebnis seiner Kindheit steht (eine Szene, die er, in einem anderen Text berichtet !).

Deshalb sagt er, daß er die Analyse des zweiten Teils des Traums “Fürst Thun (oder Taaffe)”, nicht entwickeln kann — Tafe ist ein Gefängnis in der Sprache der Ganoven – in Befürchtung der Zensur. (In : Die Traumdeutung. Fischer Taschenbuch Verlag, 1998 : Seiten 217-227).

Freud wird die Psychoanalyse erfunden haben, in dem er seine Traüme in eine politisch korrekte Sprache brachte, auf Grund seiner Angst vor Verfolgung. “Man hat eine begreifliche Scheu, soviel Intimes aus seinem Seelenleben preiszugeben, weiß sich dabei auch nicht gesichert vor der Mißdeutung der Fremden” (In : Die Traumdeutung. Fischer Taschenbuch Verlag, 1998 : Seite 119).

Dieses Seminar findet jeden dritten Montag im Monat

bei Michèle Jung in Avignon (Frankreich) statt.

Erste Sitzung am Montag 19. Januar 2015 um 20 Uhr

Contact : Michèle Jung

06 82 57 36 68

michele.jung@kleist.fr

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Ein unheimliches Schweigen…

Freud par Ralf Staedman

Freud par Ralf Staedman (1980)

 

Ein unheimliches Schweigen…

In « Wien » — « die Wiege » der Psychoanalyse genannt — fühlt sich Freud eingekreist (besser gesagt : « eingekastelt ») Er fühlt sich dort nicht wohl. Es ist ihm unheimlich. Das Unheimliche befindet sich im Herzen der Kinderwelt, und so ist es sonderbar, daß Freud seine vier ersten Lebensjahre mit einem Federstrich auslöschte : unheimliches Schweigen, das das Wesentliche der Sprache ist. Also, heißt es an den heimatlichen Ort zurückzukehren, den heimatlichen Ort, wo das Kind — wie Freud es wollte — den Urzustand wiederfinden kann, wo es selbst und die Welt nicht getrennt sind. (Cf Lettre au Burgmeister de Pribor). Den Ursprungsort herausfischen — Pribor, der im Fluss Lethe versunken, diesem Strom der Vergessenheit für die, die sein Wasser getrunken haben.

Die Vergangenheit vergessen…

Vergessen… die zwei Jahre mit Monika Zajic, dem tschechischen Kindermädchen, das ihm Abzählwerse sang und ihm die berühmten Märchen von Hauff — und nicht die von Grimm — erzählte ;

Vergessen… daß sie vom Onkel Emmanuel ins Gefängnis geworfen wurde (« eingekastelt »1), weil sie « Peniz » gestohlen hatte, Freud war zwei einhalb Jahre alt ;

Vergessen… Rebecca, die zweite Frau seines Vaters. Unfruchtbar, verstoßen, stirbt sie einen rätselhaften Tod (Selbstmord ? 2), in derselben Zeit, wo die zukünftige dritte Frau Jakob Freuds, Amalia, schwanger ist ;

Vergessen… daß das Ehepaar diese voreheliche Schwangerschaft mit einem gefälschten Geburtsdatum dieses Kindes — Sigmund genannt — verbergen wird ;

Vergessen… den jüdischen Namen seines Großvaters, der dem Seinen anhing — Salomon — und die jiddische Sprache, die dazu gehörte…

Michèle Jung, Avignon

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Todestag…

Voguer vers l'Île aux Paons. Photo Michèle Jung

Voguer vers l'Île aux Paons. Photo Michèle Jung

Le mercredi 20 novembre 1811, entre deux et trois heures de l’après-midi, un couple descend d’une calèche devant une auberge de Potsdam, près du Wannsee. Le temps est gris et brumeux en cette saison, les aubergistes de la « Neuer Krug » n’ont guère de clients. Ces deux-ci — un homme et une femme — demandent deux chambres contiguës à Madame Stimming. Ils y déposent leurs rares bagages, et sortent se promener. Comme il n’existe pas de bateau pour traverser le Petit-Wannsee, ils contournent à pied l’une de ses boucles, le jour tombe, le brouillard jette des ombres à la surface du lac. À leur retour, ils commandent un repas léger, de quoi écrire et de quoi s’éclairer. Chacun gagne alors sa chambre où Riebisch, un garçon de l’auberge, a allumé du feu. Dans la soirée, ils descendent boire un café. Tard dans la nuit, ils vont et viennent encore dans leurs chambres en buvant du vin et du rhum, ils écrivent aussi.

Vers quatre heures du matin, Henriette Vogel, puisque c’est elle, descend commander du café, puis encore à sept heures. Dans la matinée, Heinrich von Kleist, puisque c’est lui, paye la note et, précisant qu’ils ne déjeuneront pas à midi, il commande deux lits supplémentaires et établit un menu à l’intention de deux invités qu’ils auront le soir. Peu avant midi, ils dépêchent un commissionnaire à Berlin pour qu’il y porte une lettre, ils remontent dans leur chambre après avoir bu quelques tasses de bouillon. Vers quatorze heures, ils bavardent avec l’aubergiste et lui demandent, en particulier, où se trouvent les Îles aux Paons qu’ils souhaiteraient visiter, mais avant, disent-ils, ils auraient beaucoup de plaisir à prendre le café au bord du lac. Vu la saison, la demande est étrange, et l’endroit choisi se trouve à cinq cents mètres de l’auberge ! Kleist fait remarquer qu’il paiera pour la peine et voudrait qu’on ajoute, pour lui, huit « Groschen » de rhum car la brume commence à tomber et il fait froid. Stimming accepte. Il fait transporter là-bas une table et deux chaises. À trois heures, sa servante s’y rend avec le café, comme prévu. Le couple, joyeux, s’amuse à lancer des pierres qu’il fait ricocher à la surface de l’eau. La servante s’éloigne, elle entend alors deux détonations. Quand elle revient, elle découvre deux corps l’un près de l’autre : la dame, revêtue d’une robe de batiste blanc, d’une fine tunique bleue en crêpe et de gants blancs en chevreau glacé, a une tache de sang sous le sein gauche ; son compagnon, habillé d’une redingote de drap marron, d’une veste de batiste, d’une culotte de drap gris et de bottes, a le visage maculé de sang autour de la bouche. Le soleil s’est couché, à l’horizon un mur de brouillard s’élève — gris-bleu au-dessus de l’eau et des arbres, jaune flamboyant plus haut dans le ciel…

L’annonce de ces deux coups de feu sort le monde littéraire de l’indifférence à l’égard de Kleist.

Michèle Jung, Avignon, 21 novembre 2014

La Chair de Felani…

 

Photo : Anna David

 

Tout a commencé un matin de printemps par un coup de cisaille sur un barbelé… et fini un soir d’automne par un coup de pioche sur un mur. Entre les deux, l’Histoire a vacillé, puis basculé…

Ce 9 décembre, nous fêtons les 25 ans de la chute du Mur de Berlin qui mesurait 165,7 km, coupait 32 voies ferrées, 3 autoroutes et des dizaines de rivières !

Hier matin, sur France Culture, Thomas Cluzel, nous disait qu’il existe — encore aujourd’hui — près d’une cinquantaine de murs, et pas seulement autour d’Etats dictatoriaux ou placés au ban des nations. Autrement dit, au moment même où l’Allemagne s’apprête à célébrer ce 25e anniversaire, les symboles de séparation, eux, prolifèrent plus que jamais : un monde de barrières de protection, à la fois militaire, anti-terroriste ou anti-immigration.

Prenez, je vous prie, cinq minutes de votre temps pour écouter cet éditorial,

qui vous donnera la clé du titre de ce billet.

Michèle Jung

Quelques clés…

pour entrer chez les Schroffenstein

Œuvre d'Erwin C. Klinzer

Œuvre d'Erwin C. Klinzer

Le 10 juillet 1801, Heinrich von Kleist (à 24 ans) arrive à Paris, il y annonce sa tragédie : Die Familie Schroffenstein. Il l’écrira à Berne, entouré de jeunes poètes : Heinrich Zschokke, Heinrich Gessner — l’éditeur Suisse, et Louis Wieland. C’est à eux qu’il fait la lecture de son drame, il obtient un succès inattendu : cette accumulation de malentendus les plus horribles, de hasards, de quiproquos les fait « pouffer de rire ». Joachim Maass rapporte :

« On pouffait de rire, on s’exclafait, si bien que le poète lui-même, qui riait aussi, ne put continuer à lire et dut      s’arrêter — ce qui, évidemment, ne voulait nullement signifier que l’œuvre n’avait pas plu. Bien au contraire : Gessner se proposa aussitôt de la publier, ce qui advint effectivement.» (Joachim Maass. « Kleist-Die Geschichte seines Lebens ». Scherz Verlag, Bern und München, 1977, Seite 61).

Avec cette œuvre inaugurale, Kleist est reconnu comme un excellent écrivain, en témoigne un article paru dans Der Freimüthige, la revue de Kotzebue :

“Der Freimüthige a aujourd’hui une bonne nouvelle à faire connaître, — il a à annoncer l’apparition d’un nouveau poète, encore inconnu, mais qui est, en vérité, un poète. » (Ludwig Ferdinand Huber, le 4 mars 1803)

Dans cette première pièce de Kleist — écrite dans une Europe bouleversée — tout y est : les soupçons — cette maladie noire de l’âme, les rumeurs, les haines entretenues, les pulsions de mort, ce que René Girard appelle « les emballements mimétiques », cette résignation nihiliste devant la fatalité (imaginée) de la catastrophe à la fois honnie et désirée, ces fantasmes de détruire l’autre et d’être détruit par l’autre. Sylvestre dit :

« Das Misstraun ist die schwarze Sucht der Seele,

Und alles, auch das Schuldlos-Reine, zieht

Fürs kranke Aug’ die Tracht der Hölle an. »

L’antithèse « Sein »-« Schein » est un des trois thèmes inhérents à la crise kantienne de Kleist : le monde des apparences ne révèle rien sur l’être. Chacune des œuvres de Kleist apportera une variation sur ce thème : où est la réalité parmi toutes les apparences dont se compose notre vie ? Comment s’orienter dans cette vie avec le sentiments pour seul guide ? Dans La famille Schroffenstein, deux faits : la noyade du jeune fils de Rupert (celui-ci s’est réellement noyé) est interprétée comme un crime commis par deux serviteurs de la branche Warwand ; la tentative de suicide de Johann, le fils naturel du même Rupert, qui n’est rien qu’amoureux d’Agnès, devient une tentative d’assassinat perpétrée sur la personne de l’unique héritière des Warwand : le « Schein » submerge le « Sein ».

Kleist qui, dans sa vie personnelle, se donne pour victime d’une force à la fois nommée destin, fatalité, hasard (Cf. Correspondance) distribue les personnages de son théâtre en êtres de raison et êtres de sentiments. À Rossitz vivent côte à côte Rupert (être de raison) et Eustache (être de sentiment) ; à Warwand, Sylvester (être de sentiment) et Gertrud (être de raison).

La dernière scène de la tragédie qui, du point de vue de sa genèse, en est le noyau ( H. von Kleist Lebensspuren. Hrsg. H. Sembdner. Bremen 1957, p. 42) a pour objet la transformation en l’autre. Cette scène donne forme aux deux thèmes fondamentaux de toute l’œuvre de Kleist dans ce qu’elle a de tragique : d’une part ce qui est facteur de séparation entre les hommes, d’autre part la difficulté de la connaissance :

« Quand tu es devant moi et que tu me regardes, que sais-tu des souffrances qui sont en moi et que sais-je des tiennes ? Et quand je me jetterais à tes pieds en pleurant et en te parlant, saurais-tu plus de choses de moi que de l’enfer, quand quelqu’un te raconte qu’il est chaud et terrible ? Ne serait-ce que pour cela, nous devrions nous autres hommes nous tenir les uns devant les autres avec autant de respect, autant de gravité et d’amour que devant les portes de l’enfer… ». (Kafka cité par Marthe Robert en 1970, dans « La traversée littéraire », p. 138, ed. Grasset).

Une dernière clé serait — afin qu’on ne se méprenne pas — la signification métaphysique du drame kleistien : il n’y a ni dieu, ni diable, ni bien, ni mal. Dans la Correspondance de Kleist transparaît son indifférence envers les doctrines religieuses. On trouve pourtant un événement, noté lors de son voyage à Paris (1801). Passant par Dresde, il assiste à la célébration d’une messe dans la cathédrale catholique (il est protestant), et est bouleversé par un service religieux qu’il trouve esthétique. La Famille Schroffenstein qu’il écrit à ce moment-là s’en trouve impressionnée et regorge de terminologie chrétienne : cf. acte I, scène 1 ; et aussi Acte III, sc 1, vers 1254-1258.

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“Ce que Kleist est capable de déchaîner, ce qui jaillit, tel un éclair, dans ses lettres, dans ses nouvelles et dans ses œuvres dramatiques, nous semble être plus qu’un reflet de langage, plus qu’une saisie de la réalité même. Son langage est la trace d’une autre activité, d’un monde nouveau, jusque-là inexistant, dont les forces productives étincellent, indomptées, en tant qu’éclair ou comme une tension à laquelle il soumet la forme littéraire, pour finalement la dépasser.”

Lorsque je lis cette phrase de Mathieu Carrière, j’ai envie de la dédier aux acteurs de l’École régionale de Cannes qui ont donné — de la manière la plus brillante — La famille Schroffenstein au Festival d’Avignon cet été, mis en scène qu’ils étaient par Giorgio Barberio Corsetti. Il faut dire qu’ils avaient l’âge de Kleist quand il a écrit sa pièce !

Michèle Jung, Avignon, 2014

Wie gebrechlich ist der Mensch, ihr Götter !

Le Prince de Hombourg

Photo : Olimpia Nigris Cosattini

Lors de ce 68e Festival d’Avignon, Giorgio Barberio Corsetti — invité par Olivier Py — monte Der Prinz von Homburg de Kleist, dans La Cour d’Honneur du Palais des Papes, avec beaucoup de justesse et d’élégance.

Pour camper le propos de la pièce, dire seulement que les couronnes de gloire que le siècle ne peut lui offrir, le Prince Frédéric-Arthur de Hombourg les tresse durant son sommeil.

« Quel rêve étrange j’ai rêvé ! », dit-il au comte de Hohenzollern qui vient de l’arracher brusquement à un sommeil mystérieux. Le héros suit alors un rêve éveillé, et répond de façon très cohérente à ceux qui l’interrogent. Il voit et entend parfaitement l’Électeur de Brandenbourg son souverain, mais, en proie à une extase somnambulique, il transforme tous les détails réels qui s’offrent à sa vue. Le prince alors obéit à son rêve — expression la plus frappante de sa vie personnelle — et entre en lutte, sans le savoir, avec les ordres de son chef d’État.

Le somnambulisme de Frédéric de Hombourg permet à Kleist d’isoler son héros, de le soustraire au monde extérieur, de l’enfermer dans l’univers personnel que lui composent ses désirs les plus secrets : il peut alors avouer son désir de gloire et son amour pour Nathalie. Revenu à la réalité, il ne peut même pas nommer celle qu’il aime. Le somnambulisme ou la perte de conscience figurent — pour Kleist — une liberté supérieure dont rien, dans le monde ordinaire, ne peut donner l’image :

“Le Prince de Hombourg : Par ma foi ! Je ne sais pas où je suis.

Hohenzollern : À Fehrbellin…

Le Prince : (…) Excuse-moi ! J’y suis maintenant (…). Et les escadrons, dis-tu, se sont mis en marche ? (…) N’importe ! Ils ont pour les conduire le vieux Kottwitz (…). De plus, il m’aurait fallu revenir à deux heures du matin au Quartier Général où doivent encore être données les instructions ; ainsi, j’ai mieux fait de rester sur place. Viens, partons !…” (Vers 110 et suiv.)

Chez Kleist, le contraste entre la légèreté du somnambule et la pesanteur de l’homme éveillé fait éclater le mensonge des apparences et renverse tous les jugements de valeur que les hommes portent sur leurs pensées et sur leurs actes.

Georges Bataille fournit — dans Madame Edwarda, dans L’Érotisme ou dans Expérience intérieure — quelques éclaircissements sur l’enjeu de l’évanouissement. Il permet, dit-il, d’accéder à une vérité et à une jouissance qui se situent au-delà de l’humain. Il précise :

“Dans ce moment de profond silence — dans ce moment de mort — se révèle l’unité de l’être dans l’intensité des expériences, où sa vérité se détache de la vie et de ses objets.”

Kleist exprime clairement sa relation au réel dans une lettre à Marie :

“Aucun écrivain n’a peut-être encore été dans une situation aussi particulière. Aussi active que soit mon imagination en face du papier blanc, aussi nets dans leur contour et leur couleur que soient les personnages qu’elle fait alors surgir, autant j’ai de difficulté, voire régulièrement de douleur, à me représenter ce qui est réel.” (Berlin, été 1811)

Je me plais à redire que l’interprétation des comédiens de Giogio Barberio Corsetti — pour ne citer que le Prince (Xavier Gallais) — était juste et élégante, juste c’est à dire sans affectation.

« (…) L’affectation apparaît quand l’âme (vix motrix) se trouve dans un autre point qu’au centre de gravité du mouvement », écrit Kleist dans son Essai sur le théâtre de marionnettes (1810).

Pour ce qui est de la marionnette du tableau final, elle illustre l’indiscutable supériorité sur l’homme que Kleist lui attribue :

« (…) on retrouve la grâce après que la connaissance soit, pour ainsi dire, passée par un infini ; de sorte que celle-ci se manifeste simultanément de la façon la plus pure, dans un corps humain dépourvu de conscience ou qui en possède une infinie, je veux dire, le pantin articulé ou le Dieu. »

Il faudrait donc (songeons-y !) … que nous goûtions à nouveau à l’arbre de la connaissance pour retomber en l’état d’innocence.

Michèle Jung, Avignon, juillet 2014

En finir avec…

Hélène Arnal. "Dessins de la colère" (1,20-1,10)

Hélène Arnal. "Dessins de la colère" (1,20-1,10)

 

… avec Eddy Bellegueule, c’est le premier roman d’Édouard LOUIS, un jeune homme de 21 ans, étudiant en sociologie à Normale-Sup. ; il dirige la collection « Des mots » aux Presses Universitaires de France. C’est son premier roman, mais il a déjà publié Pierre Bourdieu, l’insoumission en héritage (PUF, 2014). «Aux âmes bien nées, disait Corneille, la valeur n’attend pas le nombre des années.» … !

En finir avec Eddy Bellegueule — l’insoumis, l’insurgé contre ses parents, contre la pauvreté, contre sa classe sociale raciste et violente — est un geste d’insurrection par l’écriture. La lecture de Marguerite Duras, de Didier Éribon, de Pierre Bourdieu… permet à Édouard Louis de réaliser que la violence est produite par des structures sociales, et de mettre en écriture cette violence au quotidien dont il est victime. Il peut alors envisager la fuite comme solution : « Moi qui ne pouvais être l’un des leurs, je devais tout rejeter de ce monde », la fuite devient pour lui un acte révolutionnaire et non une lâcheté.

En tant que psychanalyste, cette lecture m’a amenée à me poser la question différemment. J’en ai profité pour relire huit récits cliniques, où Pierre Kammerer (psychanalyste) relate la cure psychanalytique d’adultes qui ont subi, dans l’enfance, la haine de ceux qui étaient censés les aimer, leur père ou leur mère. Ce qui caractérise ces patients, c’est l’aveuglement dans lequel ils se sont enfermés pour ne pas démasquer la perversion d’un parent dont ils ne désespéraient pas d’être aimés. Pierre Kammerer parle d’une «clinique du témoin» où l’analyste réintroduit la Loi Symbolique (interdit du meurtre, de l’inceste…), prenant ainsi la place de l’autre parent, celui qui, au moment du trauma, s’était absenté alors qu’il aurait dû l’empêcher. (Cf. L’enfant et ses meurtriers. Psychanalyse de la haine et de l’aveuglement, Gallimard 2014).

En Avignon-Festival, dans le Off, on peut voir Retour à Reims de Didier Eribbon, le récit de ses retrouvailles avec sa famille d’origine ouvrière dont il s’était détourné pendant plus de trente ans :

http://culturebox.francetvinfo.fr/festivals/avignon-off/off-davignon-on-court-voir-ladaptation-du-retour-a-reims-de-didier-eribon-159939

Michèle Jung, Avignon, juillet 2014

 

 

 

 

Kleist in Avignon…

BühnenskizzeWangelinLpz1969

BühnenskizzeWangelinLpz1969

Maison Jean Vilar

7 juillet 2014, 11h30

Giorgio Barberio Corsetti et Le Prince de Hombourg 

À cette date, Corsetti aura osé affronter Hombourg dans la cour d’honneur sans Gérard Philipe ! Ses interprètes — Xavier Gallais, Anne Alvaro… — auront offert une vie nouvelle au prince somnambule, homme d’action et de cœur, et seront sans aucun doute l’objet de débats passionnés.

Je conduirai cette rencontre après avoir resitué Le Prince de Hombourg dans le contexte prussien de son écriture, puis dans sa récupération par le régime National Socialiste, enfin dans ses différentes versions scéniques en R.D.A. jusqu’à sa « libération » par Jean Vilar… et par Giogio Barberio Corsetti, 63 ans plus tard !

Par ailleurs, dans l’exposition consacrée à la mise en scène du Prince de Hombourg par Jean Vilar en 1951 — exposition qui occupera le Hall de la Maison — vous découvrirez des documents sur des mises en scène allemandes (de l’Est et de l’Ouest) qui ont eu lieu entre 1959-2013. Elles nous ont été envoyées par le Kleist-Museum de Frankfurt sur l’Oder. (Ville natale de Kleist).

Michèle Jung, Avignon

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Evidence…

 

Photo : Michèle Jung

Photo : Michèle Jung

 

Der chinesische zeitgenössische Künstler Ai Weiwei zeigt seine weltweit größte Einzelausstellung im Martin-Gropius-Bau (Berlin) in 18 Räumen auf 3000 Quadrat meter, sowie im spektakulären Lichthof.

In diesem Lichthof montiert der Künstler 6 000 einfache hölzerne Stühle (Stools, 2014), wie sie auf dem Land seit der Ming-Zeit (1368-1644) Verwendung finden : ein eindrucksvoll ästhetisches, pixelartiges Werk (Voir photo ci-dessus).

Evidence… ist der Titel dieser politischen Ausstellung, wo Ai Weiwei, der Künstler, Architekt und Politiker ist, sich nicht mundtot machen lässt. Seine Konzeptkunst ist revolutionär für China, ein Land, das den Künstlern bis dahin nur bestimmte Ausdrucksformen gestattete.

Noch darf der 56-Jährige allerdings nicht ausreisen aus China. Sein Reisepass wurde ihm abgenommen. So bleibt er ein Gefangener im eigenen Land !

 

Ornella, Berlin, 4 avril 2014

Daisy…

Photo : Christian Berthelot 2014

Photo : Christian Berthelot 2014

 

Gastspiel der Compagnie Rodrigo García (Spanien)
und der Bonlieu Scène Nationale Annecy (Frankreich)
von Rodrigo García
Regie und Bühne: Rodrigo García
am 4. April 2014

Festival internationale Neue Dramatik 2014 der Schaubühne in Berlin

Der spanisch-argentinische Theatermacher Rodrigo Garcia (seit Januar 2014 künstlerischer Leiter des Théâtre des Treize vents in Montpellier) nimmt die Zuschauer in seiner neuen Arbeit : Daisy mit auf eine aberwitzige Reise mitten ins Herz der Verzweiflung über die Banalität unserer hochzivilisiert-leerlaufenden Gegenwart. Garcias Text ist von großer sprachlicher Wucht, hellsichtiger Klarheit und heilsamen, rabenschwarzem Humor.

Rodrigo Garcia schickt zwei Protagonisten in dem Kampf mit der Banalität (wie gesagt) des Alltags, dem Leerlauf westlicher hochzivilisation, des Lachhaftigkeit des daseins, ihnen zur Seite : zwei Hündchen, eine Schildkröte, hunderte Kakerlaken und Weinbergschnecken, ein Streichquartett, das Beethoven spielt und des Philosoph Leibnitz, der als Hundecoach auftritt.

In diesem Stück, sagt Rodrigo Garcia : Emily Dickinson ist kein Star, nur ein Scheiß Symbol in diesem 21. Jh.

Ach so ! ?

« Arcturus » is his other name

« Arcturus » is his other name—
I’d rather call him « Star. »
It’s very mean of Science
To go and interfere!

I slew a worm the other day—
A « Savant » passing by
Murmured « Resurgam »— »Centipede »!
« Oh Lord—how frail are we »!

I pull a flower from the woods—
A monster with a glass
Computes the stamens in a breath—
And has her in a « class »!

Whereas I took the Butterfly
Aforetime in my hat—
He sits erect in « Cabinets »—
The Clover bells forgot.

What once was « Heaven »
Is « Zenith » now—
Where I proposed to go
When Time’s brief masquerade was done
Is mapped and charted too.

What if the poles should frisk about
And stand upon their heads!
I hope I’m ready for « the worst »—
Whatever prank betides!
Perhaps the « Kingdom of Heaven’s » changed—
I hope the « Children » there Won’t be « new fashioned » when I come—
And laugh at me—and stare—
I hope the Father in the skies
Will lift his little girl—
Old fashioned—naught—everything—
Over the stile of « Pearl. »

Emily Dickinson
[sc_embed_player volume= »100″ fileurl= »http://www.kleist.fr/audio/21-Emily-21.mp3″] : écouter.