Jan Karski…

Jan Karski (Mon nom est une fiction)

de Yannick Haenel, mis en scène par Arthur Nauziciel, Festival d’Avignon 2011

Débat avec les spectateurs, le 14 juillet 2011, à l’École d’Art, en présence d’Alexandra Gilbert, Laurent Poitrenaux et Arthur Nauziciel, animé par Jacques Manceau.

Le roman « Jan Karski » de Yannick Haenel (Gallimard) porte le nom d’un Polonais bien réel, mort aux Etats-Unis, après avoir tu, pendant 35 ans, tout un pan de sa vie : il a été témoin des horreurs du ghetto de Varsovie et impuissant à convaincre les grands de ce monde de l’existence des camps d’extermination nazis.

Dans sa mise en scène, Arthur Nauzyciel reprend la structure du roman, les spectateurs venus au débat aussi.

Ils questionnent sur le sens, à la fin de la première partie, de la séquence des claquettes au son d’une rumba des Ferder Sisters, Shein vi de levone (une chanson, lui dira sa mère à la Première, que lui chantait son père quand elle était petite !). Deux « explications » à cela : enfant, Arthur Nauziciel a fait des claquettes car sa mère aimait la comédie musicale, et, par là, il lui rend hommage à travers les yiddishs ballrooms dancers des cabarets new yorkais ; par ailleurs, son oncle, déporté à Auschwitz, a essayé de garder ses chaussures le plus longtemps possible pour ne pas porter les « claquettes » qu’on donnait aux détenus…

Pourquoi avoir choisi, dans la seconde partie, Marthe Keller pour un rappel de l’autobiographie de Karski parue en 1944 ? Parce que je suis tombé amoureux d’elle à l’occasion du feuilleton « La demoiselle d’Avignon », dit Arthur Nauziciel. J’aime sa voix, sa vie, sa présence… Comme on le sait, la scène est occupée par un écran sur lequel est projetée une vidéo hypnotique de l’artiste polonais Miroslaw Balka filmant en boucle l’hystérique zig zag de l’enceinte du ghetto de Varsovie sur un plan du parcellaire. Un spectateur raconte que pendant cette séquence, il a fermé les yeux pour mieux suivre, au fil de la voix de Marthe Keller, les pas de sa mère qui a vécu dans ce ghetto ; d’autres, ont trouvé ce passage long (sic). Arthur Nauziciel rappelle que, oui, ce trajet a paru long à Jan Karski qui l’a fait !

Et la troisième partie… Les spectateurs qui se sont exprimés auraient aimé que le spectacle commence à ce moment-là. À ce moment où le talent de Laurent Poitreneau, dans le splendide décor de l’Opéra de Varsovie signé Ricardo Hernandez, nous donne cette introspection-fiction de Haenel prêtant à Karski des pensées qui sont les siennes. Gestes retenus, corps quasi empêché, voix sans effets mais non sans affects. Laurent Poitrenaux fait l’unanimité, sans conteste. Il explique alors qu’il n’aurait pas accepté de jouer sans ce qui précède, car pour lui, ce n’est pas un spectacle, mais une cérémonie.

Un spectateur lui demande alors : mais que faites-vous pendant tout ce temps des deux premières parties ? Je suis à La Civette, répond-il. Pirouette !


Ornella le 14 juillet 2011

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